La voie de la perception

Alors que mes yeux s’ouvrent …
Le temps, comme toujours, semble suspendu.

J’aurais pu passer mon existence entière à observer chaque grain de sable,
tombant avec une lenteur extrême.
Laisser chaque instant passé ouvrir une porte sur mes rêves.

Mais la réalité finit toujours par nous rattraper,
nous saisissant à la gorge.
Et finalement …
la vie ne nous laisse que peu de choix.

Loin de moi mes rêves…
Loin de moi cette jeune envouteuse de petite bourgeoisie,
arpentant les hauts lieux de séduction du palais de Rin.
Qu’aurais je pu y trouver ?
Une aventure amoureuse ?

Peut être, inconsciemment, voulais je simplement ressembler a la plus belle et la plus énigmatique des femmes qu’il me fût donné de connaître.
Ma grande sœur… Mev.

Sans doute, Mev, a-t-elle, elle aussi, comme toutes jeunes femmes,
souhaité rencontrer un amour des plus purs et des plus rares.

En cela…
Mev a réussi.
Même si, il faut bien le reconnaître à présent qu’elle n’est plus…
Cet amour l’a conduite sur une bien sombre voie.
La ou les dieux, pas même Grenth ou Dwayna, ne peuvent nous préserver.

Et moi…
Sans doute pour la garder le plus longtemps dans mon cœur…
Je l’ai suivie.
Comme bien d’autres l’ont suivie…
même Faalhann, son si sombre amour, bien malgré lui.


Alors que mes yeux s’ouvrent …
Le temps, comme toujours, semble suspendu.

J’observe un monde que je croyais connaître.
Mais ma perception est allée bien au delà des horizons.
Frappée de stupeur par l’imperceptible et ce qui nous observe dans l’ombre.

De l’aventurière que je fus, bien malgré moi…
À la juriste et observatrice que je suis devenue…
Il n’y eut qu’un simple petit pas.

De la destruction si brutale et mystérieuse de la lointaine citée de Tyylv…
À celle de la plus proche Lysenbourg…
Il n’y eut qu’un simple petit pas.

Ou commence le règne de l’Andraphagocythe ?
Ou s’achève celui de la Sylveride et de ces autres Longilides ?
Il n’y aura qu’un simple petit pas.

Je passe mes nuits à chercher dans les livres…
Même dans ceux, interdits, venus de ces terres si lointaines ou les femmes font régner une terreur absolue au nom d’une humanité qui se doit de se reconstruire…
M’interrogeant sur des images que je ne comprends pas.



J’ai tant besoin de comprendre.


Alors que mes yeux s’ouvrent …
Le temps, comme toujours, semble suspendu.

Malgré un si court instant passé…
J’observe le monde qui m’a vue naître…

Et déjà…
Je ne le comprends plus.

Je reste un long moment interdite devant ses lignes écrites de mon sang sur les pages d’un journal qui, jamais, ne sera débuté.

Laissant la nuit reprendre ses droits sur un paysage effacé par les ténèbres…
lentement, je disparais.

Seule une bougie combat les ténèbres, attendant que le vent se lève,
et ne laissant du paysage que quelques feuilles de papier posées sur une table.

Ici, sur ces feuilles, ne règne qu’une antique architecture orthographique…
Là, ou le silence …

…fût mon verbe.