| | [Emprunt] Sanira | |
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Yobwo
Messages : 90 Date d'inscription : 30/06/2009 Age : 41 Localisation : Vaadash
Mon personnage. Prénom: Yo Origine (ascalon, Kryte..):: Ascalon Familier:
| Sujet: [Emprunt] Sanira Mer 12 Aoû - 21:22 | |
| NB : Sanira n'est pas mon personnage mais celui de Fauconnoir, soit une assassine aux cheveux roux extrêmement dangereuse et sensuelle, qui vous captive autant qu'elle vous tue. A la lecture d'un chapitre, j'ai eu la soudaine envie de m'approprier la demoiselle le temps de trois petits chapitres. Il n'y a pas d'autres ambitions que de la faire vivre à travers mes yeux.
Si Sanira appartient à Faucon, Ether est bien mon Derviche. Quant à Lyanah, il s'agit du personnage de Kme (de la caste des Envoûteurs). Vinlaarie Mortséide et Morgana sont la propriété de... Vinlaarie. Enfin, Keely est la ritualiste de Lord Coxie.
En raison du contenu "hot" du premier chapitre, je le propose sous balise "spoil" afin d'éviter que n'importe quels yeux le croisent. Soyez avertis qu'il est adressé à un public relativement mâture.SANIRA- Spoiler:
Lieu de débauche, la carcasse du bateau résonnait de cris ou de gémissements de plaisir. Les corps s'entrelaçaient, nid de serpents, lovés les uns contre les autres en tout lieu. Se frayer un chemin relevait de l'exploit. L'air était chargé d'encens, de sueur, d'odeurs riches, étouffantes, agressives, sensuelles, si omniprésentes que chaque pas se gagnait au travers d'une atmosphère qui se déposait sur la peau comme une pellicule indélébile. Les lampes se balançaient au plafond, rythmées par les va-et-viens. Le navire avait été tiré sur la terre ferme, stabilisé et aménagé pour devenir le plus célèbre bordel de Cantha. La Rose Blanche. Une rose aux accents jaune-orangé, parfois rouge feu, parfois noir de suie en réalité. Les couleurs de la nuit et de la flamme des bougies, des torches et des braseros. Du sang coulant des griffures ou des traces de dents. Là où le sexe sombrait dans la folie. Et les femmes de ce continent savaient s'y prendre. Arrachées à leur famille dès leur plus jeune âge, elles recevaient une éducation et une formation qui les rendaient redoutables. Des mains et une langue expertes dans l'art de rendre fou les hommes ou les autres femmes. Une connaissance inégalée du corps et de ses faiblesses. Nulle autre enseigne n'abritaient de si excellentes prostituées. Ici, elles étaient toutes puissantes. Ici, le plus grand des magistrats, le plus solide guerrier hurlait qu'on le laisse éjaculer tandis que sa compagne d'un soir le poussait toujours plus loin sur les cimes du plaisir. Ici elles étaient les reines de la plus ancienne pratique humaine. Leurs yeux brillaient d'une lubricité hypnotique, d'un appel digne d'une sirène dont aucun être ne pouvait se soustraire.
Les clients étaient innombrables. Le petit fonctionnaire anxieux économisant tous les mois de quoi payer sa visite. Le ministre incognito rendant visite à sa favorite. Le voyageur trop avide de goûter les richesses locales. Le pauvre naïf ruiné en une nuit, jeté dehors le pantalon aux chevilles. L'innocent jeune homme en quête de dépucelage. Le vieillard, plein d'énergie et d'expérience à revendre. Les femmes lassées de tous ceux-là. Les épouses si sages en apparence. Les veuves trop seules. Les couples insatiables. Tant de vies et d'objectifs différents liés par un désir commun. L'âge, le rang social, la nationalité, les idées n'étaient rien à l'approche de l'orgasme. L'arrivant progressait au coeur des coursives, des cales ou des ponts. Il observait silencieusement. Il s'arrêtait. Participait. Dérangeait. Repartait. Se mêlait à la foule de corps ou prend soin de s'en détacher. Il n'y avait pas de règles. Certaines pièces étaient allouées aux plus fortunés. Les chambres étaient faites pour ne pas être dérangé. Partout ailleurs ne régnait qu'une pulsation sauvage indéterminée où chaque individu étaient partie d'un ensemble aux ailes gigantesques. Celui qui franchissait les portes de la Rose Blanche n'en ressortait jamais tout à fait.
C'était un coin de liberté à mi-chemin entre les Cieux et l'Enfer, peuplé de créatures divines vêtues de telle sorte que l'imagination du premier coup d'oeil aiguisait la soif paroxystique de toucher, de posséder ces seins fermes, la courbe prononcé des reins, la douceur de ces ventres plats, d'y laisser glisser les doigts toujours un peu plus bas, d'étreindre les cuisses sculpturales, sentir ces jambes broyer votre dos sous l'extase, descendre la vallée vertébrale et se glisser entre ces fesses, qu'elles soient pâles, vives ou sombres. La Rose cultivait un goût exquis pour ses courtisanes. La plus brute écrasait de sa magnificence les concurrentes des autres maisons closes du pays. Et les plus douées jouissaient d'une aura quasi mystique. Parmi elles, Sanira suscitait beaucoup de jalousie. Chevelure rousse atypique autour d'un visage si fin qu'il semblait modelé par les dieux. Des yeux insondables aux reflets vacillants. Une bouche comme une invitation perpétuelle, lèvre inférieure légèrement tombante, imperceptible dans son tremblement, obsédante comme une persistance rétinienne. Elle était supérieure à de nombreuses courtisanes. A ceci près qu'elle n'en était pas une.
Le passé n'intéressait guère la jeune femme qui, du haut de ses vingt-six ans, avait déjà vécu deux existences entières. Le passé regorgeait de victimes. Regarder en arrière revenait à contempler leur visage pourrissant. Un assassin ne s'encombrait pas de ce genre de pensées. Il tuait. Encore. Encore et encore. Sanira adorait cela. Il n'y avait pas plus merveilleux que la lame effilée de son poignard ouvrant une gorge endormie. La brûlure vive qu'elle devait causer sur la peau. Le sang et l'agonie. Cette charnière où tant d'images défilent à la lisière de l'esprit, lorsque la vie apparait plus précieuse que jamais. Spécialement si la victime était un porc immonde.
La jeune femme repéra le pirate au coeur de la coursive. Elle esquiva les ruades d'un mâle dépensier qui ne tiendrait sans doute pas une minute supplémentaire. Sa partenaire lança un clin d'oeil à Sanira. Elle ignora le message. Le parfum lourd était sans effet. Elle avait appris à s'en détacher. Nul doute que le gaillard en ligne de mire y était particulièrement sensible. Il pelotait Miliani de ses mains élancées comme des pattes d'araignée. Ce qui lui conférait une préhension... toute particulière et un talent de pénétration non négligeable. Sanira eut un rictus de satisfaction. Ses doigts vinrent caresser la surface de ses lèvres. Si l'étalon était aussi doué de sa langue, le meurtre serait sûrement précédé d'une merveilleuse étreinte. Elle ajusta sa jupe fendue afin que le galbe de ses jambes fût mis en évidence. Le haut, réduit pratiquement à la taille d'un soutien-gorge était très échancré. Plus que le nécessaire exigé pour piéger ce salaud. Il la vit. Sa bouche s'élargit, découvrant des dents étonnement blanches. Un pirate qui prenait soin de lui... au moins n'aurait-elle pas à supporter une haleine de poney. Il murmura une douceur à Miliani qui l'embrassa en retour sur la joue puis, d'une volte excitante, le quitta. Désormais, Sanira était son objectif. Etrange guerrier des mers, svelte, solidement bâti et pourtant aérien. Félin. Un lion à la crinière grise et aux yeux d'un bleu aquarelle. Il s'approcha. Tranquille. Les pattes d'araignée se posèrent sur la joue gauche de Sanira. Elles procédèrent avec beaucoup de chaleur et de compréhension, courant d'un côté à l'autre du visage comme une brise. Alors que la courtisane s'abandonnait, il la prit soudain par la taille, l'attira contre lui et ponctua son insolence d'un baiser passionné qu'elle n'avait pas vu venir. Elle répliqua d'un coup de poing dans l'estomac. Le pirate se plia en deux. Sanira gagna la porte d'une chambre. D'un simple jeu de regard, il comprit qu'il pouvait la suivre et il irradia de contentement. Elle fut saisie d'une envie de lui faire ravaler ce sourire arrogant mais se contint. Chaque chose en son temps. Il mourrait bien assez tôt. Et pas avant d'en connaître la raison. Ce chien mielleux supplierait qu'elle l'épargne. Il demanderait pardon. Pardon pour Lyanah. La lame irait à cet instant fendre son coeur. Il crèverait, pathétique, semblable à ses semblables.
Ils finissaient tous de la même façon.
Dernière édition par Yobwo le Mer 12 Aoû - 21:29, édité 1 fois | |
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| Sujet: Re: [Emprunt] Sanira Mer 12 Aoû - 21:22 | |
| SUITE :- Spoiler:
L'assassine disparut, happée par la chambranle. Dès lors ne compta plus que son absence. Le pirate ne supportait pas de la savoir hors de vue. C'était autant de secondes au cours desquelles risquait de se produire tout et son contraire. Qu'elle se lasse. Qu'un autre homme s'en empare. Qu'elle s'évanouisse aussi inaccessible qu'un mirage. La douleur en pleine poitrine ancra encore en profondeur le désir. Une vague gigantesque prête à le balayer s'il ne l'assouvissait pas sur-le-champ. Pénétrer cette chambre. Pénétrer cette femme. Il était prêt à tuer pour cela. D'un mouvement brusque du bras, il projeta un traînard contre le bois des murs. L'odeur, la chaleur suffocante, la multitude de corps en pleine affaire n'étaient que de vagues informations sans importance. Le courant de ses pensées se réduisait à la chambre et au sillage de Sanira. Il franchit le seuil. Vide. Pas âme qui vive. Elle s'abattit brutalement sur le beau gaillard. Elle l'embrassa à son tour. La morsure d'une tigresse. Le pirate sentit les ongles s'enfoncer dans les muscles de son dos, perçant le grossier vêtement bleu-gris. Il la souleva et la plaqua contre le mur. Elle l'enserra de ses jambes, ébouriffa ses cheveux tandis qu'il laissait ses mains parcourir reins et fesses. Il plongea entre ses seins, lui arracha un petit gémissement de plaisir. Diable ! Le chien savait y faire... les caresses devinrent de plus en plus intimes. Lorsqu'il s'aventura à l'intérieur du vagin, elle fut secouée d'un très bref spasme. C'était un peu trop tôt. Il avait réussi à la surprendre. Elle rit. La victime se montrait passionnante mais son habileté obligeait Sanira à demeurer sur le qui-vive. Bon sang, l'enfoiré entamait de parfaits préliminaires ! C'était à elle de contrôler les débats. Par des baisers rageurs et de subtiles griffures, elle lui fit perdre son rythme, reprit l'échange, l'attira sur le lit, prit soin de l'allonger et lança une offensive ne souffrant d'aucune contestation. Le pirate, étendu les bras en croix, savourait chaque instant. Il avait connu d'innombrables femmes. Celle-ci n'avait pas d'égale. Une véritable tempête. Il s'abandonna entièrement.
Au moment où elle s'arrêta, le gaillard voulut la retenir et vit sa main repoussée violemment. Elle le regardait, féroce, vicieuse, en prédatrice. Elle s'avança et se posa sur le torse de son partenaire. Elle récupéra deux voiles enroulés autour de son cou puis ligota le pirate aux barreaux du lit. A ses yeux, Sanira comprit qu'elle pouvait le tuer n'importe quand. Il était conquis. Perdu en pleine jouissance. Inutile de poursuivre. Pourtant, elle le voulait. Aller jusqu'au bout avec les risques que cela comportait. L'homme exerçait une sublime attraction qu'elle n'osait pas nier. Un crétin qui avait blessé une des ses amies. Sanira comptait ses proches sur les doigts d'une main. Elle ne supportait pas qu'on s'en prenne à eux. A cause de ce pirate, elle allait user de ses talent à des fins personnelles. Chose qu'elle évitait au maximum. En finir. Vite. Voilà ce qui l'aurait démangé en temps normal. L'appel du sexe était trop fort. Un amant potentiel détruit par une histoire si bête...
Elle fut perturbée par ses émotions. Ce qui arrivait très rarement. Sanira se retrouvait déchirée entre son envie de venger Lyanah et l'appétit que suscitait l'étrange pirate aux yeux aquarelle. Pourquoi passer à côté d'un si bon moment, entre les bras d'un homme qui rendrait son dernier soupir quoiqu'il arrive ? N'était-ce pas du gâchis ? Ou une trahison plutôt. Envers son amie. Ne dérogeait-elle pas déjà à ses principes en assassinant malgré l'absence de contrat. Même Lyanah n'avait rien souhaité. Elle agissait uniquement sur ordre de sa colère. La lame habilement dissimulée ne demandait qu'à servir. L'outil exigeait le sang. La raison aussi. Son coeur et son bas-ventre suppliaient l'inverse. Et leurs prières n'avaient jamais été si fortes. Craignant de ne plus connaître une situation identique, elle céda. Les raisons d'aimer étaient une denrée précieuse dans une vie comme la sienne. L'amour a ses voies que la raison ignore.
Enfin libre, elle se donna corps et âme. Les ébats se poursuivirent jusque tard dans la nuit. Furieux, ils aspirèrent sueur et énergie, rendant au centuple plaisir et extase. A l'homme ligoté, elle offrit tout ce que sa science permettait. Il n'en perdit pas une miette. Ce fut un instant de pure grâce au beau milieu de deux existences faites de sanglantes batailles et de blessures profondes. Un instant de paix.
Le ciel était un peu moins sombre. Le soleil, impalpable, éclaircissait de façon insignifiante le rideau noir percé d'étoiles. Pourtant le matin ne tarderait plus à s'afficher. Une heure de calme. Le bateau était plongé dans un silence angélique. Torches consumées, la chambre n'était éclairée que par un mince rai de lumière lunaire déclinant. Avant que le jour ne se lève, la sentence tomberait. Le couple reposait sur le lit. Comme deux amants satisfaits. Sanira avait ouvert les yeux. Elle ne regardait rien en particulier. L'heure en train de s'écouler annonçait le meurtre. D'habitude, il s'imposait seul comme une conclusion évidente. Là, elle en ressentait l'angoisse. L'atroce crainte de perdre quelque chose d'inestimable. D'être damnée pour l'éternité. Peu importe le choix. Elle s'était autorisée une incartade. Le vestige de sa haine l'aiderait à en finir. Elle se plaça au-dessus du pirate endormi. Comment le bourreau de Lyanah pouvait-il être cet homme ? Il dégageait tant de tranquillité. Le profil d'un garçon heureux, aimant et aimé, dont seule la pureté exagérée du regard trahissait les épreuves. Sanira sortit le poignard et le leva, mains jointes sur la garde argent qui accueillit le premier rayon solaire fusant de l'horizon pour atteindre l'extrémité du pommeau. Le reflet fit une tache mouvante, synchronisée aux tremblements de la tueuse, sur l'arcade libre du pirate. Il s'éveilla doucement. Rendors-toi ! Hurlait-elle en son coeur. Rendors-toi ou j'en serais incapable... rendors-toi, je t'en prie. Si proche de se briser, Sanira dut affronter l'aquarelle de prunelles attentives, fixées sur leurs jumelles. Le chien... le salaud venu pervertir Lyanah, venu arracher la fragile paix mentale que l'envoûteuse s'était construite au fil d'années lugubres, venu voler un baiser pire qu'un viol... le démon honni la contemplait d'un regard qui ne cillait aucune crainte. Parfaitement immobile, sans un mot, sans un geste, il lui disait merci.
Terrorisée, Sanira poussa un cri déchirant et abattit la lame. La pointe perfora la poitrine jusqu'à la garde. Frappé d'un électrochoc, l'homme se courba, le dos dangereusement arqué, prêt à rompre. Mais il retomba, privé d'air. Du sang remonta de la blessure, se répandait sur la peau puis sur les draps. Un filet s'échappa de la commissure de ses lèvres. Sanira caressait convulsivement le visage. L'expression n'avait pas changé. Il la remerciait toujours. Elle l'embrassa une dernière fois. Elle conserva ce souffle, ce goût ferreux. Le fit sien et attendit qu'il exhale son ultime soupir. Les larmes répondirent aux larmes. Les yeux aquarelle étaient ouverts. Ils ne fixaient plus rien. Ce qui les rendaient irrésistibles avait disparu. Lyanah était vengée. Sanira n'en tirait qu'une amère douleur.
Au réveil des courtisanes, le marin pâle avait égaré sa compagne. Jamais plus la Rose Blanche ne reverrait sa fleur incandescente.
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| | | Yobwo
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| Sujet: Re: [Emprunt] Sanira Mer 12 Aoû - 21:26 | |
| Retour forcé sur le passé :
Ce monde n'était que poussière. Des grains de terre, une brume tellurique chauffée à blanc par les rayons incandescents d'un astre solaire tout puissant. Ce pays ne connaissait pas la tempérance. De journées brûlantes, il mourait en nuits glaciales. Gel à pierre fendre. Un univers usé jusqu'à la racine, foulé par les Serpents, abandonné aux hommes, à leur folie, à leur courage. Si différent de Cantha. Pourtant, chacun à leur manière, les deux continents étaient figés. L'un par des forces surnaturelles, l'autre par la simple érosion du temps. Il ne fallait pas se fier aux apparences. Elona renfermait des secrets très dangereux. Ici, Shiro se nommait Varesh. Et il avait changé de sexe, troquant ses épées incurvées pour une faux tout autant mortelle.
Kamadan, le bijou d'Istan, n'impressionnait guère son invitée. Elle avait vu bien plus grand. Comparée à Kaineng, elle semblait vide, dénuée de vie, à l'instar de sa réalité géographique. Bien sûr l'apparence était encore trompeuse. Kamadan abritait des instances fondamentales et des personnages extraordinaires. La richesse se présentait sous forme de sagesse, de simplicité, d'ornements rares et dispersés avec soin. Des murs sable massifs, des frises géométriques rehaussées de cailloux précieux parfaitement polis, statues animales couvertes d'or contrastant sur le noir de jai du matériau principal. Lignes épurées. Courbes et droites artistiquement mêlées. La force architecturale d'une civilisation loin du sensationnel « m'as-tu-vu », prenant tout son sens grâce aux teintes variées des sédiments répartis en carrés, séparés par des allées crayeuses, plantées de palmiers dont le vert des feuilles prenait une importance soudain capitale. La véritable richesse de Kamadan, c'était la végétation à laquelle le désert tentait de mettre fin depuis des temps immémoriaux. Un arbre valait toutes les babioles creuses des marchands canthiens. Il était plus précieux et plus respecté qu'un mot de l'empereur.
Les rues et les places suivaient un schéma aléatoire dicté par le hasard des constructions et de la si délicate végatation. Une pousse, un jardin. Deux façades, une rue ou une ruelle. La ville s'était modelée selon les habitudes de ses hôtes, contrairement à Kaineng qui imposait à tous son gigantisme et le foisonnement de son plan cadastral. La seule chose qui demeurait identique était l'intensité des conversations. Les passants s'haranguaient sans cesse. Ils échangeaient rumeurs, ragots et nouvelles entre inconnus, tandis que les marchands appelaient à grand renforts de mouvements les potentiels acheteurs. Qu'ils s'arrêtent ou non, les échanges se déroulaient toujours avec politesse. Les mendiants étaient bien traités. Les promeneurs refusaient un don comme l'on refuse un verre chez un ami. L'ignorance et le dédain n'avaient pas droit de cité.
Sanira était assise sur un parapet. Le petit muret surplombait l'immense parvis du Consulat. Une jambe repliée sous l'autre, elle prenait le soleil. Nouveau lieu, nouvelles conditions. L'assassin devait s'adapter. Ainsi l'exigeait sa nature. Elle devait apprendre à rester immobile malgré une température de plus de quarante degrés. Elle le supportait mal. La régulation de la sueur était un art complexe. Sanira se redresse sur le parapet et descendit en équilibre la rampe de l'escalier proche. Un court saut l'amena au sol. L'Ordre des Lanciers du Soleil régissait la paix intérieure. Elona jouissait de leur protection, quelque soit le pouvoir en place. L'Ordre conservait son indépendance en toute occasion. La population les tenait en haute estime. Il fallait être désespéré pour s'attaquer à un de leurs membres. Ou être un assassin mandé par un contrat. Cela n'effrayait pas la jeune femme. Elle avait vécu des situations bien pires. Seulement, une canthienne à la chevelure rousse passait difficilement inaperçue. Bien qu'habillée à la mode locale, elle contrastait avec les peaux tannées et noires de Kamadan. Elle prenait donc un malin plaisir à agir dans la plus extrême banalité. Une forme de congé avant l'exécution de la cible. Il eût été idiot de ne pas profiter des lieux.
Sanira se sentait rayonnante. La rudesse du climat et le dépaysement atténuaient les mauvais souvenirs. Ici, elle le savait, repartir du bon pied était possible. Elle souhaitait disparaître là où nul n'irait la retrouver. Le temps de se reprendre. Tant pis pour les explications. Les assassins n'étaient-ils pas solitaires par nature ? Lyanah se ferait du souci. Mais elle surmonterait l'absence de son amie comme elle avait surmonté le reste. Keely ne dépasserait sans doute pas le stade des questions. La ritualiste, comme nombre de ses congénères, voyait les choses d'une manière particulièrement obtue. Aucune personne sensée ne se privait volontairement de la vue. Elle conclurait que l'absence prolongée de Sanira était une partie d'un dessein plus vaste qui ne la concernait pas. Ce qui provoquerait les railleries de Morgana, la fille de Vinlaarie. D'ailleurs, cette dernière avait des réactions très diverses. Sanira n'était jamais parvenu à la lire. Le meilleur assassin n'y serait pas parvenu. Vinlaarie Mortséide se fichait comme d'une guigne du sort de Sanira. A moins qu'elle ne fut déjà à sa recherche. Qu'importe, la tueuse ferait avec.
La traversée avait été agréable. Une belle mer aux vagues douces avait porté l'esquif durant plusieurs semaines. La fraîcheur marine s'était érigée en rempart contre la chaleur croissante. Cependant, le bateau, les hommes, la vie en mer de façon générale l'avait troublée et mise mal à l'aise. Sanira aspirait à s'enfoncer au coeur des terres. Quoi de mieux que le désert pour oublier ? Elle remplirait le contrat puis s'en irait. La foule apaisait l'angoisse. La foule pansait les plaies. La foule se foutait complètement des états d'âmes d'une meurtrière venue d'un pays à l'opposé du sien. La foule s'égrenait et montrait pléthore d'existences saines, tournées vers le quotidien, insouciantes de nombreux drames. La foule était une fuite. Le désert en serait une autre. Mais Sanira en avait besoin. Elle réprima une crise. Elle en subissait parfois. Ce qui ne lui arrivait pas avant. Depuis la Rose, la tueuse devait combattre des symptômes neufs. Des faiblesses surprenantes. Sa concentration atteignait des sommets lors des coups fatals. Le moindre relâchement entraînait de graves hésitations, un dégoût à la limite de la paralysie. Rien ne pardonnerait son acte. La rédemption était une amère illusion. Continuer et tourner la page. Tel était son objectif.
Elle croisa une patrouille de Lanciers. Les soldats portaient une armure légère blanche sur le torse, les avant-bras et les tibias. Ils étaient chaussés de sandales. Un détail déroutant et néanmoins idéal au vu des températures et du terrain. Les sandales avaient des semelles souples. Elles évacuaient le sable et la sueur. Un bouclier blanc et une lance affutée achevaient le tableau. Les soldats étaient attentifs. Ils tenaient à la sécurité de la cité et à la bonne conduite des citoyens. Sans zèle. Les recrues provenaient des villages alentours. Elles connaissaient les us et coutumes de Kamadan. Un Lancier était un garant de la paix ainsi qu'une oreille attentive. De ce fait, les habitants ne les craignaient pas. Au contraire puisqu'une relation de confiance était clairement palpable. La patrouille s'arrêta et conversa avec les marchands du parvis. Des éclats de rire fusèrent. Elle reprit sa ronde peu après. Sanira avisa un retardataire. C'était le moment de jouer un numéro de charme. La jeune femme n'en tirait plus aucune satisfaction, toutefois le stratagème était efficace. Elle s'avança, se composant une attitude aguicheuse. Absorbée, elle ne put éviter un homme distrait. Ils se heurtèrent. Le plan était fichu. Sanira lui flanqua une claque sur l'épaule.
« Vous pourriez faire gaffe ! » « Pardonnez-moi » marmonna-t-il, avare d'excuses.
Elle voulut le frapper encore, histoire de lui inculquer les bonnes manières mais il fut plus vif. L'homme la saisit au poignet. Une longue et ample robe le recouvrait La lumière vint éclairer l'intérieur de la capuche qui le dissimulait. Sanira crut défaillir. Un violent sanglot la secoua toute entière. Elle se laissa tomber sur les genoux, bras maintenu en l'air par la main solide aux doigts effilés. Elle pleurait en silence.
L'homme la relâcha. Il se détourna et s'en fut. Le visage était basané, plus marqué mais elle aurait reconnu entre mille les yeux aquarelle qui venaient de la transpercer. Elle devenait folle.
Une fois rentrée, l'assassine ravagea la chambre de l'auberge. Elle brisa les vases, déchira les rideaux, détruisit le mobilier, larda la literie de coups de couteau, éventra le matelas et en répandit le contenu. Plusieurs clients se plaignirent. Elle entendait les plaintes de l'autre côté de la porte. Les fracas incessants les incitèrent à reculer. Comme ils insistaient, Sanira se rua sur le bois et y planta son plus long poignard. La lame jaillit brusquement sous les yeux médusés des clients. Ils reçurent une volée de jurons digne de brutes de la pire espèce. Ils acceptèrent enfin de s'en aller. Deux gorilles les remplacèrent. Une seule femme se fichait vite à la porte. Sanira quitta l'établissement en maudissant chaque personne du regard, abandonnant en guise de présent deux blessés graves. | |
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| Sujet: Re: [Emprunt] Sanira Mer 12 Aoû - 21:26 | |
| SUITE :
Le chagrin la déposa près des docks. Le bruit du chargement et déchargement calmait un peu ses nerfs. Les manutentionnaires hissaient de lourds ballot sur leurs épaules, tiraient les cordes de treuils montés à la hâte. Les cris et les appels animaient les quais. L'un des treuils cassa. Le ballot s'écrasa non loin d'un homme qui insulta son collègue. La cargaison s'était répandue. Les ouvriers ramassèrent les débris. Le superviseur vint à leur rencontre, se lança dans un discours dithyrambique en insistant sur l'incompétence de ses ouailles et le retrait du montant des dégâts de leurs payes. Les protestations furent timides. Le matériel vétuste rendait inévitable les accidents. L'investissement était impensable, l'argent manquait. Aux travailleurs de faire attention. Mais comment éviter les erreurs alors que la fatigue gagnait, suite à des journées de dix-huit heures de labeur ininterrompu ? Ce n'est pas mon problème, rouspéta l'employeur. Ce n'est jamais son problème. Sanira eut envie de lui décoller la tête du cou. L'endroit n'était pas si propice au repos. Elle s'éloigna en direction des jardins. Le chemin parut interminable et court à la fois. La jeune femme vagabondait en pensée. Elle heurtait des passants, n'entendait pas les les mots d'agacement, se cognait à nouveau. Une voix s'insurgeait. Un assassin réduit à un tel laisser-aller était une aberration. Une autre voix murmurait une litanie obsédante qui annihilait toute tentative de redressement. Sanira n'avait plus envie. L'évocation même d'une lutte la terrassait. Elle était lasse de corps et d'esprit. La tueuse en souriait. Vinlaarie se serait moquée d'elle, aurait traîné plus bas que terre sa faiblesse si elle avait été là. Elle savait animer le coeur par les feux de la colère. Un cadeau précieux qu'elle ne pouvait donner. Sanira était happée. Le vortex de sa propre ruine la tirait au fond de l'abîme. Elle était vide.
Pardonne-moi Vin', pensa-t-elle, je te fais honte. Mais je sais que tu me retrouveras depuis ton trône, que tu devineras en lisant les os l'enfer dans lequel je suis tombée et que ta main se tendra non pas pour m'apporter la rédemption, mais pour m'infliger la punition que je mérite. Je suis désolée... je suis fatiguée. L'existence me pèse maintenant que je suis privée de ma rage. Il ne me reste que la peine des âmes que j'ai exécuté.
Elle marqua une pause. Un théâtre d'images morbides recouvrait la réalité de Kamadan. Rien ne ramènerait Sanira de cette représentation funeste.
Pourquoi a-t-il fallu que je le recroise ? J'aurai pu encaisser sa disparition ! Qu'il vive m'est insupportable... j'entends ses reproches. Il me hante. Peux-tu comprendre cela ? Il me ronge. Il aspire mes entrailles. Il me prive de ma volonté. Il fait de moi une coquille creuse balayée par les vagues du remord. J'ai été emportée par les bahines. Le rivage est si loin. Je refuse de nager. A quoi bon ? Plutôt attendre la mort. Le monde retrouvera peut-être un peu de sa paix. Peut-être sera-t-il vengé. Peut-être sera-ce vain. Je m'en fous du moment que cette farce se termine...
Sanira était à présent aux pieds d'un rempart. Au-dessous, les rouleaux excités contre la paroi rocheuse, les galets monstrueux en manque de chair, le sifflement froid du vent. Les yeux rêveurs, la jeune femme dansait en bordure du gouffre, jouant avec ses dernières minutes, conservant ainsi une dernière trace d'irrévérence. Puis elle confia son âme à Grenth, son corps à l'air dont les doigts intangibles ne la retiendrait pas. C'est ce qu'elle souhaitait. Elle bascula en avant, sentit de plein fouet la bascule, le très bref instant d'apesanteur et le début de la chute. Un choc la plia en deux, tirant douloureusement sur ses muscles et sur ses vertèbres. Elle grimaça, cheveux roux épars sur la nuque, le front et les joues. Elle rouvrit les yeux. Le sol s'était à peine rapproché. Une poignée de centimètres. Guère plus. Sanira tenait en équilibre, la plante des pieds sur le rebord, les bras étendus, les mains hésitantes. Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle n'était pas tombée. Biceps crispé à l'extrême, il l'avait extirpé de son marasme. La robe anthracite s'agitait sous les bourrasques irrégulières. Le soleil s'était réfugié derrière le voile des nuages. Plusieurs rayons en perçaient le manteau. Ils diffusaient une lumière surnaturelle. La mer et le ciel mêlaient le bleu au gris et à l'or.
Il s'aida d'une branche pour la ramener vers lui. Ils tombèrent, de bien moins haut, sur un tapis d'herbe jaune. Elle avait retrouvé son étreinte. Cette chaude étreinte. Il avait ôté sa capuche, offrant ses pupilles claires. C'était lui. Elle l'aurait juré. Et pourtant il ne manifestait aucune familiarité. Elle avait été sauvé par son seul amour. Cet amour n'avait sauvé qu'une inconnue.
Il l'accompagna en des lieux plus tranquilles. Ils s'assirent. Une bulle s'était formée autour d'eux, les coupant du reste de la cité. Elle ne détachait pas le regard de cet homme qu'elle croyait être le bon. L'inflexion de ses sourcils prouvait le contraire. Il était dérouté par l'insistance de la rescapée, la trouvait fort belle et appréciait la proximité naissante. Néanmoins, elle ne s'inscrivait dans aucun souvenir. Elle ouvrit la bouche. Les mots traînèrent à l'orée de sa gorge. Dans un sanglot, elle finit par demander :
« Tu es toujours pirate ? » « Je n'ai jamais été pirate ».
Il était surprenant de voir Sanira prendre peur d'une simple phrase, désarmée, telle une enfant naïve face à son premier flirt. Elle souffrait cette vulnérabilité. La réponse fut pourtant plus cruelle. Elle s'était trompée alors. Ce n'était pas lui. Juste un mime grotesque chargé de la maintenir la tête sous l'eau. Elle voulut en avoir le coeur net.
« J'ai l'impression de te connaître. Tu es le portrait craché d'un homme que j'ai rencontré un an auparavant. Vous êtes... identiques »
Il tiqua et se mit à réfléchir. La conclusion semblait évidente pour lui :
« Tu dois parler de mon frère jumeau. Il est marin. Pirate, je ne sais pas, mais il aime naviguer. La mer l'attirait déjà tout petit et il y a longtemps que je ne l'ai plus vu. Si c'est lui que tu cherches, j'ai peur de ne pas pouvoir t'aider. Nous ne sommes pas séparés en très bon termes. D'autres le regretteraient. Pas moi. Son absence m'a été bénéfique »
Il fixa Sanira.
« Pour être franc, je le hais » « Pourquoi ? » « Ce n'était pas un bon frère. Il ne pensait qu'à sa petite personne. Là ou pas là, cela revenait au même. Il ne m'a jamais manifesté la moindre affection. Au contraire. Il me martyrisait souvent. Je lui aurais volontiers pardonné si seulement il avait éprouvé le plus petit sentiment de culpabilité. Les frères sont comme ça, me répétait-on. Et bien non. Ils ne sont pas comme ça. Ils se chamaillent certes, mais ils ne se méprisent pas l'un l'autre, ne disent pas que votre vie est insignifiante. Il était fort, intelligent et beau. J'avais le physique. Il me manquait la confiance. J'étais malingre. Je doutais de moi. Peu à peu, son attitude m'a révolté. J'en ai eu assez et je me suis enrôlé dans l'Ordre des Lanciers. Je suis devenu Derviche. S'il se représentait devant moi, je lui laisserais une estafilade qu'il n'oublierait pas de sitôt ! »
L'homme grinçait des dents. Sanira se reposa contre son flanc. Le cerveau délicieusement silencieux, elle prononça du bout des lèvres :
« Il était tellement différent... comment s'appelle-t-il ? » « Byron. Byron Cardiguian » « C'était bien le même en fin de compte. Et toi ? Quel est ton nom ? » « Ether » « C'est un joli nom » souffla-t-elle, presque endormie.
Et avant que le sommeil ne l'emporte :
Mais s'il te plaît... ne me demande pas le mien » | |
| | | Yobwo
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| Sujet: Re: [Emprunt] Sanira Mer 12 Aoû - 21:28 | |
| Je t'aime, tu t'aimes, on sème (M. Chapelan) :
La dague vola en direction de la poitrine offerte. La pointe s'arrêta à un millimètre à peine de la peau. Ether l'avait empêchée de terminer la besogne, s'était interposé entre elle et le plaisir de boire le sang. Prise de rage, Sanira se retourna en un éclair et zébra la joue du derviche d'une profonde entaille. La ligne se dessina lentement. Elle écarta la chair brune qui se mit à saigner. Le sang se condensa au bord des lèvres, les gouttes se rejoignirent sur cet escarpement puis coulèrent, proches, en rideau. Malgré cela, le mouvement lui ayant presque coûté un oeil, Ether ne cilla pas. Tout dans ses yeux, sa bouche, ses rides d'expressions accusaient la jeune femme. Il s'érigeait en juge impitoyable. Elle en fut décontenancée. Néanmoins, la seconde dague caressa la gorge. Sanira, pupilles dilatées, rictus de haine, si électrique que sa chevelure rousse semblait danser, plaqua l'homme contre un arbre avant de lui asséner un coup de genou dans l'entrejambe et de mordre une nouvelle fois la chair. Ether s'effondra. Elle posa un pied sur sa tempe. Le visage comprimé contre le sol, il grogna. Elle cria :
« Ne refais plus jamais cela ! Tu entends, sale cloporte !? Je peux te tuer. Je peux raccourcir ta saloperie d'existence n'importe quand. Tu t'imagines peut-être que mes sentiments pour toi t'autorise à imposer ta volonté... je suis née pour tuer. J'ai été formée pour ça. Ma vie se résume aux assassinats ! Je les apprécie. Je les réclame. Il n'y a rien de plus jouissif que d'ôter le souffle à un pauvre imbécile tétanisé par la trouille ou confit d'arrogance »
Elle eut un rire mauvais, presque un hoquet.
« Je suis une meurtrière professionnelle. Tes pitoyables tentatives de conciliation ou de tendresse ne fonctionnent que si je le veux bien. Tu n'as pas idée du nombre d'hommes que j'ai abusé grâce au sexe. L'extase de les occire après une nuit de débauche. C'est mon monde. N'essaies pas d'y entrer ou je serais ravie de t'arracher le coeur ! »
Elle s'écarta. Ether parvint à se redresser, chancelant, haletant. Il prit une inspiration. Une longue et profonde inspiration qui anéantit sa faiblesse. Il se tenait à présent droit. Il n'avait rien perdu de ses convictions. La leçon de Sanira ne l'avait pas ébranlé. Elle maudit l'enfant de salaud. Se croyait-il tout permis ? Elle ne mentait pourtant pas. Si il le fallait, elle le tuerait sans l'ombre d'une hésitation. Pourquoi refusait-il de comprendre ? L'insubordination ne le mènerait qu'à la mort. Avait-elle envie de le voir mourir ? Bien sûr que non ! La première fois était un accident. Oui, voilà, un accident. Une erreur grossière. Rares étaient les victimes possédant une deuxième chance. Il n'était pas assez stupide pour la gaspiller, n'est-ce pas ?
« Ne cherche pas à me culpabiliser ! » hurla la tueuse.
La seule réponse fut ce regard juge. Une lame plus perforante que l'acier braquée sur son âme. Le pouvoir absurde de fissurer les certitudes. Continuer égalait l'aveu. Avouer qu'elle avait fait fausse route. Que les repères de son monde étaient des illusions ignobles méritant l'échafaud. Les deux frères avaient la faculté de la confondre. Elle affrontait le même amour et la même condamnation. C'était insupportable. Elle ne le supportait plus. Sanira ne savait faire qu'une chose. Jeter un oeil critiques sur ses actes passés réclamait un courage différent du sien. Un courage inaccessible. Son crâne résonnait d'un roulement de tonnerre. Elle voulait pleurer. Serrer les dents à les briser. Elle voulait percer ses gencives. Plonger les poignards sous le menton, empaler langue et palais, remonter au cerveau... éteindre cette parcelle de conscience. L'instinct de survie entra alors en jeu. L'auto-destruction entrait en totale contradiction avec l'enseignement qu'on lui avait inculqué dès son plus jeune âge. La machine se mit en marche d'elle-même. L'ennemi n'était pas intérieur. Elle n'avait qu'à faire taire cet homme. La culpabilité disparaîtrait avec lui. Les dagues se murent, autonomes, feinte après feinte après feinte, coordonnées en arcane. Elles fondirent sur Ether. Une ultime damnation pour ne plus être obligée de se retourner.
Une monumentale gifle la flanqua par terre. Elle lâcha ses précieuses armes qui glissèrent hors de portée. Ether n'avait subi aucune trace de l'attaque. Il avait par contre répliqué sèchement.
« Qui penses-tu convaincre ? »
Sa riposte relevait du miracle.L'arcane avait exécuté chacune de ses victimes avec un taux de réussite de 100%. Elle n'était enseignée qu'aux assassins de premier rang. Des années étaient nécessaires pour la maîtriser. Personne n'avait les capacités de l'éviter en ce bas monde. Personne. Ether venait d'y parvenir. Irréaliste... Déboussolée, Sanira perçut soudain l'indicible tremblement qui agitait le derviche. Il était en colère. Il était effrayé. L'idiot avait en effet crut en elle, au point de se fourvoyer sur sa nature réelle. La jeune femme obéissait à un code obscur aux frontières de l'ignominie, sur le fil du non-retour. Elle ne méritait aucune pitié et n'en voulait pas. Encore moins celle de Cardiguian. La terreur de la révélation, bien loin de le priver de ses moyens, l'avait rendu fou de rage lui aussi. Autrement dit, il n'avait pas essayé d'éviter l'arcane, ni de s'en protéger. Il était persuadé de sa mort. Un pas en avant et un coup aveugle. Bref, Ether avait eu de la chance. Une chance provoquée. Assise, la joue cuisante, Sanira se sentait humiliée. La chaleur de la gifle, marque de honte. Elle ramassa ses dagues dont elle serra la garde à s'en blanchir les jointures. Ether avait de son côté, prit sa faux par le haut du manche. La lame courbe dirigée vers l'arrière, au niveau des chevilles, se balançait. S'il souhaitait se battre, il trouverait du répondant. Le vent souleva un nuage de poussière. La tueuse s'abrita derrière un bras afin d'empêcher les particules d'atteindre ses yeux. La voile opaque se dissipa. Sanira se fendit d'une inspiration concise et âpre. Ether la provoquait à nouveau. A la faveur du nuage, il s'était détourné. Il s'en allait. Il l'ignorait. Piquée au vif, elle fondit sur le derviche. La faux tournoya brusquement tandis qu'Ether pivotait. En appui sur la pointe des pieds, le derviche fit une volte fulgurante. Emportée par son élan, Sanira recula la tête. La pointe de la faux siffla si près de l'arête de son nez qu'elle s'imagina touchée. L'acier transperça l'écorce de l'arbre, envoyant gicler une pluie d'échardes et de morceaux de bois. Sanira gisait à terre. Elle se touchait convulsivement le visage. Indemne... par les dieux. Il leva l'instrument et l'abattit entre les deux jambes allongées. Ether, ensuite, la quitta. Cette fois, elle ne fit rien pour l'arrêter. Hormis une plainte vive lancée au ciel comme une bouteille à la mer :
« Je n'ai ni futur, ni passé... je suis seule ! Toute seule ! »
Il disparut dans les brumes de sable tandis que Sanira avalait ses larmes et sa colère.
« Il n'y a pour moi aucun avenir. Je n'élèverais pas de famille. Je n'aurais pas d'enfant. Et si je me retourne, je ne vois que des meurtres, de ténébreux plaisirs qui me désignent putain ou démone. Je n'ai que moi et ma volonté de survivre. Puisses tu rejoindre Abbadon... »
Elle fixa les maigres nuages qui dérivaient là-haut.
« ... que je sois sûre de te retrouver » | |
| | | Elindor
Messages : 163 Date d'inscription : 21/06/2009 Age : 37 Localisation : Jerusalem
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| Sujet: Re: [Emprunt] Sanira Dim 16 Aoû - 5:06 | |
| hello !
un texte très noir et très adulte, où ta plume atteint des sommets. C'est en te lisant que je me rends compte que j'ai encore bien du chemin à parcourir. Personnage géniale, tournures géniales, on est dedans du début à la fin, ça se dévore d'une traite, c'est exceptionnel, et on en redemande!
J'ai adoré absolument tout, chaque chapitre. Et l'affrontement à la toute fin... Génial.
Ce qui m'impressionne le plus dans tes écrits, quels qu'ils soient, c'est la perception extraordinaire qu'on a de tes personnages. J'ai rarement ressenti telle immersion dans la peau du héros.Chacun avec leur style, Jedd, Kyoshiro, Sanira, ...... Ils sont tous complètement différents et exceptionnellement bien définis.
Du grand art!! | |
| | | Yobwo
Messages : 90 Date d'inscription : 30/06/2009 Age : 41 Localisation : Vaadash
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| Sujet: Re: [Emprunt] Sanira Lun 17 Aoû - 19:24 | |
| Il est vrai que je le considère aussi comme un de mes meilleurs textes, si ce n'est le meilleur en terme de style. Le chapitre 1 tout du moins où j'ai rarement atteint une telle densité et fluidité. C'était un pur coup de coeur que j'ai rédigé quasi d'une traite. J'étais totalement dévoré par l'idée que j'avais du récit, les images qui me tournaient dans la tête et il fallait que j'écrive ce court passage. Ce fut assez intense. | |
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| Sujet: Re: [Emprunt] Sanira | |
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| | | | [Emprunt] Sanira | |
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